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Traitement de surface

Comment durcir, protéger et ennoblir ses pièces

Cette gamme de traitements est destinée à rendre les composants horlogers lisses et brillants (c’est le polissage), mais également fonctionnels. Les pièces ainsi traitées seront protégées contre la corrosion et l’usure et/ou leurs propriétés techniques, telles la solidité ou la conductivité, améliorées. Exemple avec deux entreprises combières actives ou spécialisées dans ce domaine.

Logée sus-la-Rose, dans un petit parc industriel dominant le bout du Lac de Joux, l’usine D-Tec (pour Dubois Technologies Associées) traite des millions de pièces chaque année, principalement des composants horlogers. Dans son atelier de trempe et de polissage, on trouve deux collaborateurs (sur un total d’une vingtaine) et une petite dizaine de machines, dont celles dédiées à la tribofinition: ce sont des mélangeurs qui ressemblent à de gros robots ménagers. Les pièces à polir sont introduites dans un bac avec des éléments abrasifs, billes métalliques, céramiques voire des ingrédients comestibles tels des grains de maïs. C’est le frottement dans le mélangeur qui polit les pièces. La durée de cette opération et les éléments abrasifs choisis dépendent de la matière des pièces et du résultat demandé par le client.

Durcissement des aciers

Dans le même atelier, la «trempe» désigne le traitement thermique qui permet de durcir les composants en acier, en inox ou en cuivre en les faisant passer sous flamme et sous azote dans un four. Les petits composants horlogers y arrivent après avoir été décolletés (usinés) pour une mise en dureté, là aussi demandée par le client, lequel aura de son côté testé les composants finis «Ce four vient tremper la matière jusqu’au cœur, autrement dit: changer la structure du métal. En règle générale, toutes les pièces d’horlogerie en acier sont traitées thermiquement», explique Lætitia Dubois, cofondatrice et copropriétaire de l’entreprise, électroplaste de formation.

Machine adaptée

Ici, c’est le temps de passage des délicats composants qui est critique. Là où d’autres manufactures ont opté pour une solution de tapis roulant, l’autre cofondateur et copropriétaire de D-Tec Jorge Da Costa a préféré adapter son ancienne machine quand l’entreprise, en se développant, a dû gérer des séries de pièces toujours plus grandes: cinq, dix, vingt mille, parfois plus encore. Un piston fait ainsi avancer par à-coup les pièces sur leur bol vibrant, d’où son nom de «four de trempe à secousse». Un opérateur règle la fréquence de ces à-coups et donc la vitesse de défilement des pièces. A noter que, dans cette entreprise familiale quant à sa gestion du personnel, les patrons ont tout testé eux-mêmes avant de partager leur savoir-faire à leurs collaborateurs. Le polissage de pièces horlogères peut s’effectuer de manière mécanique, mais aussi mécano-chimique ou électrolytique.

Revêtement métallique déposé par électrochimie

Dans les traitements de surface, la galvanoplastie tient une place à part. Cette technique consiste en le dépôt d’une couche de métal sur une pièce et ce, par un moyen électrochimique. Le matériau à recouvrir, un acier par exemple, est connecté à un courant électrique. Il est ensuite plongé dans un liquide (électrolyte) contenant la couche à déposer sous forme de métal oxydé (nickel, cuire ou zinc). Dès que le courant est établi dans le liquide, ces sels métalliques viennent progressivement se déposer sur la pièce.

Si D-Tec est active dans ce domaine, la galvanoplastie en terres combières est aussi et surtout le terrain de la famille Saulcy et de l’entreprise STS. Etablie au Sentier en 2012, celle-ci s’est diversifiée dans des activités complémentaires à la galvanoplastie (telles le polissage et la décoration) et étendue sur trois nouveaux sites. Son usine du Sentier reste le pôle central pour la Recherche et le Développement.

Une innovation en janvier

Justement, début 2021, STS annonçait avoir trouvé et breveté une alternative novatrice au rhodiage galvanique, où une fine couche de rhodium (en dixièmes de microns!) est déposée sur un bijou ou un composant horloger. Typiquement, le rhodiage permet de redonner une seconde jeunesse à un bijou terni avec le temps. Problème: ce métal blanc et léger de la famille du platine, terre rare extraite dans les montagnes de l’Oural et en Afrique du Sud, a récemment vu son prix décupler. La principale application du rhodium est dans les catalyseurs automobiles, à côté de l’horlogerie- joaillerie ou de la valeur-refuge (comme l’or et l’argent). Or c’est la demande des marchés automobiles chinois et américain qui explique la pénurie actuelle de rhodium et la flambée de son prix, à tel point qu’il est devenu le métal le plus précieux au monde. Conséquence de tout cela, le prix du rhodium métal sur une platine horlogère (la plaque de base du mouvement) est passé de 20 centimes à aujourd’hui 2,20 francs. Mauvaise nouvelle pour STS, son plus important consommateur en Suisse pour ces revêtements de pièces des mouvements.

Solution trouvée chez un «cousin»

Anticipant le problème, STS a confié l’an dernier déjà à son département R&D de trouver une parade, avec les mêmes propriétés et les mêmes caractéristiques techniques. Parmi les solutions trouvées, l’une en particulier s’est révélée prometteuse, avec un métal de la même famille: le platine blanc. Deux ingénieurs du site de La Vallée ont développé une nouvelle préparation chimique pour arriver à une couleur identique (variation de seulement 0,3 point sur 100 sur l’échelle de clarté/luminosité, autant dire impossible de faire la différence entre les deux). Le coût métal du

platine blanc est aujourd’hui dix fois moindre que celui du rhodium. Le nouveau métal utilisé perd toutefois en dureté (un quart).

Frédéric Saulcy, directeur général de STS, ne s’attend donc pas à des débouchés dans l’habillage de composants horlogers; ce sont essentiellement les ébauches qui sont concernées par cette nouvelle technique. Quant au succès rencontré à l’extérieur de sa propre entreprise, Frédéric Saulcy annonce: «Le platine blanc a suscité un immense intérêt pour toutes les marques et la production en gros volume a démarré.» Ce sont toutes les manufactures qui décident ce qu’elles veulent comme revêtement. Le rhodium ne disparaîtra donc pas des ateliers d’horlogerie dans l’immédiat, d’autant que les phases de qualifications de nouveaux procédés peuvent prendre jusqu’à un an chez certains clients.