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L’Or Blanc de la Vallée de Joux

Outre la haute horlogerie et ses paysages à couper le souffle, la Vallée de Joux peut s’enorgueillir de posséder un véritable trésor : ses vaches laitières.

Outre la haute horlogerie et ses paysages à couper le souffle, la Vallée de Joux peut s’enorgueillir de posséder un véritable trésor : ses vaches laitières. Bichonnées, élevées dans le respect de la nature et de leur bien-être, se nourrissant dans les pâturages à la saison chaude, les vaches combières produisent un lait idéal pour la production de Gruyère d’alpage et de Vacherin Mont d’Or. Rencontre avec des agriculteurs combiers.

Une belle production

Nous avons rencontré Anthony Rochat, agriculteur producteur de lait aux Bioux, président de la Société fromagère des Landes au Solliat. Qui de mieux pour nous parler du sujet ? « En une année, ce sont environ 7.6 millions de litres de lait qui sont produits à la Vallée de Joux, par l’ensemble des 25 agriculteurs producteurs, explique l’agriculteur bioulais. De tout ce lait, environ 70 % est intégralement consacré à la production de Gruyère, le reste est pour le Vacherin Mont d’Or et les spécialités, telles que la Tomme, la raclette et la fondue. Une part infime part pour l’industrie pour faire des yaourts. A titre de comparaison, en 1894, il y avait 311 agriculteurs, qui produisaient environ 984’000 litres de lait. C’est un métier qui se perd, qui n’est pas mis en valeur et qui est très contraignant, notamment pour les épouses : pas de week-end, ni de vacances prolongées, il faut s’occuper du bétail tous les jours, aller à la traite deux fois par jour ! »

Métier réglementé et millimétré

« Nous élevons nos vaches sans antibiotiques, alors pour ma part j’ai une quarantaine de vaches laitières plus environ une centaine de jeune bétail de renouvellement, pour remplacer les vaches avec des pépins. Le lait chaud est descendu à la fromagerie du Solliat une première fois vers 6-7 heures du matin, puis le soir entre 17h30 et 18h30. A partir de
5 minutes de retard, l’agriculteur reçoit une amende de Fr. 25.-, pour éviter les débordements. Tous les jours à la fromagerie du Solliat, on écrème le lait, le petit lait est centrifugé et la masse qui reste est mise dans les boilles numérotées et c’est une société de Fribourg qui les ramasse pour en faire des yaourts, des biscuits pour l’engraissement des veaux en fonction de la qualité du petit lait. Tous les jours à la réception du lait, on regarde son pourcentage en matière grasse, qui varie en fonction de la nourriture. En hiver, les vaches sont nourries de foin et de regain (2e coupe dans les champs), en plus de concentré (maïs, orge, etc.). Une contrôleuse laitière, Doris Piguet, vient mesurer le rendement de lait par vache : on regarde les teneurs en protéines et matière grasse et le nutritionniste, qui vient une fois par mois, rééquilibre les repas en fonction pour avoir la bonne quantité. Pour que dans le ventre de la vache, la combustion se fasse au mieux et qu’elle produise au maximum. »

Les vaches de Didier Meylan à l’alpage au Marchairuz, où l’herbe se fait rare.

Impact de la sécheresse

L’été 2022 est particulièrement éprouvant pour nos agriculteurs et leurs vaches. « A 19° et plus, une vache utilise de l’énergie pour se refroidir, explique l’agriculteur bioulais, les composants (matière grasse et protéines) varient fortement avec la chaleur. Une vache consomme 150 litres d’eau par jour. Avec la canicule elle produit moins de lait avec moins de matière grasse. Nous achetons beaucoup de fourrage en France, où le marché est déjà tendu. » Didier Meylan, agriculteur-producteur de lait a doublé son temps de travail, déjà très important, à cause des conditions météo « le canton a mis à disposition une station de pompage d’eau à L’Abbaye, avec un camion qui vient ravitailler sur la route du Marchairuz. Et nous, agriculteurs, on va chercher l’eau là-bas, deux à trois fois par jour. J’espère que ça ne va pas être comme ça tous les ans, parce que cela a un fort impact financier : le tracteur pour apporter l’eau aux vaches, le diesel, l’usure des pneus sur le goudron… sans sécheresse, nous n’avons pas tous ces frais. La production de lait baisse drastiquement ! Normalement les bêtes sont nourries à l’alpage jusqu’en septembre – octobre et là, depuis le 25 juillet elles sont au régime hiver et il n’y a pas eu de grosse récolte de foin cette année. Le canton a donné l’autorisation cette année de pâturer dans la forêt, ce sont pour nous une quinzaine de vaches qui ne mangent pas de foin, c’est déjà ça, mais ce n’est pas suffisant. On va vendre quelques vaches et acheter du fourrage. Mais les prix ont fortement augmenté à cause de la demande, entre 15 et 20 %. Celui des vaches a lui, baissé, car tout le monde fait pareil. On a aussi le problème du lisier, toutes les trois semaines la fosse est pleine, ça fait 80 m3 à descendre à la ferme pour du stockage, on l’épandra à l’automne, car il faut de la pluie pour le faire. Là ça demande beaucoup plus de boulot. »

Les vaches de Didier Meylan à l’alpage au Marchairuz, où l’herbe se fait rare.

L’avenir proche

Anthony Rochat, lui, se lance dans la vente de vaches à traire en Suisse allemande pour sortir un peu la tête de l’eau « chacun essaye de trouver des solutions pour ne pas disparaître. On ne se rend pas compte de la quantité de nourriture qu’il faut pour nourrir la population. Nous sommes 3 % à produire 50 % de ce qu’on consomme, pour nourrir la population Suisse. Dans un futur proche, on aura une association des producteurs du Lieu et du Brassus. »