La Chine en vitrine : immersion vaudoise au cœur d’un géant économique
À l’occasion des 75 ans des premiers accords de libre-échange entre le canton de Vaud et la Chine, la Promotion Économique Vaudoise a conduit une délégation d’entrepreneurs et de politiciens dans l’Empire du Milieu.
À l’occasion des 75 ans des premiers accords de libre-échange entre le canton de Vaud et la Chine, la Promotion Économique Vaudoise a conduit une délégation d’entrepreneurs et de politiciens dans l’Empire du Milieu. Une semaine d’observations, de rencontres et de réflexions sur les opportunités, les défis et les contrastes d’un marché aussi fascinant qu’exigeant.
Une initiative symbolique pour un anniversaire stratégique
La mission économique, organisée à la mi-juin, réunissait 26 participants, dont dix-sept entrepreneurs et neuf représentants politiques ou administratifs. Parmi eux, deux Combiers : Johann Rochat, fondateur/directeur de Tec-Joux et Christophe Leuenberger, directeur de Decoltime.
L’invitation, lancée par la Promotion Économique Vaudoise, s’inscrivait dans le cadre des célébrations du 75e anniversaire des premiers accords commerciaux entre Vaud et la Chine. Le voyage, partiellement financé par les participants, a été qualifié de prestation exceptionnelle. Un débriefing a eu lieu trois mois plus tard avec Isabelle Moret, la conseillère d’État en charge de l’économie.
Comprendre la Chine pour mieux s’y projeter
L’objectif principal du déplacement était clair : appréhender les réalités du marché chinois et les conditions d’une éventuelle implantation. Les entrepreneurs ont rapidement constaté qu’une présence physique (bureau ou antenne locale) est indispensable pour espérer pénétrer ce marché. La vente directe depuis la Suisse, même via le commerce en ligne, reste marginale.
Les différences culturelles et économiques sont marquées. Le coût horaire de la main-d’œuvre est environ cinq fois inférieur à celui de la Suisse, avec des semaines de travail pouvant atteindre 60 heures. La fabrication chinoise privilégie encore largement l’intensité de la main-d’œuvre, là où la Suisse mise sur l’automatisation et le savoir-faire. Cette asymétrie soulève la question d’une concurrence parfois jugée déloyale.
Témoignages croisés : entre fascination et prudence
Johann Rochat, fondateur de Tec-Joux, retient avant tout la vitesse d’exécution chinoise : « Ce qui prend dix ans chez nous se fait en quatre là-bas. Le campus universitaire que nous avons visité en est un exemple frappant. » Christophe Leuenberger, directeur de Decoltime, souligne quant à lui l’ambivalence du modèle chinois : « On sent une volonté de modernisation, mais aussi un décalage dans les conditions de vie et de travail. »
Tous deux saluent la qualité de l’organisation du voyage et la richesse des échanges, tout en affirmant leur attachement à la Suisse. Aucun projet d’implantation n’a été évoqué à ce stade.
Une Chine en mutation, entre avancées et paradoxes
Les participants ont observé une Chine en pleine transformation. Les salaires augmentent, le niveau de vie progresse, et certains secteurs, comme l’automobile électrique ou l’automatisation industrielle, rivalisent avec les standards occidentaux. Mais ces avancées coexistent avec des retards structurels, notamment en matière de qualité de vie au travail.
Le gigantisme immobilier, avec des constructions rapides et parfois inoccupées, illustre une dynamique de développement qui interroge. La délégation a visité des zones urbaines modernes, laissant entrevoir une « vitrine » du pays, sans contact direct avec les réalités rurales ou moins développées.
L’image suisse, un atout commercial
Les produits suisses jouissent d’une forte admiration en Chine. Montres, chocolat, miel ou bière sont perçus comme des gages de qualité. Cette image de marque contribue à maintenir une balance commerciale excédentaire en faveur de la Suisse, notamment dans le secteur du luxe.
Pour les entreprises vaudoises, ce capital symbolique représente un levier de compétitivité précieux, à condition de préserver leur savoir-faire et de s’adapter aux exigences locales.
Une expérience enrichissante, mais sans illusion
Au terme de cette immersion, les participants repartent avec une meilleure compréhension du marché chinois, mais sans volonté immédiate d’y établir une présence. Le voyage a surtout permis de renforcer les liens entre acteurs économiques vaudois, d’ouvrir des perspectives et de nourrir une réflexion stratégique sur les relations bilatérales.
La Chine fascine, impressionne, mais ne séduit pas encore totalement.
Par Carmen Mora