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Un vétérinaire qui remet à son fils, c’est rarissime !

Deuxième épisode de notre minisérie d’été.

Jean-Marc Rochat finira en fin d’année de transmettre son cabinet, au rez de la maison familiale dans le village des Charbonnières, à son fils cadet Yann, lequel a baigné dedans depuis tout petit. Deuxième épisode de notre minisérie d’été.

« On peut pas rêver mieux ! » Jean-Marc Rochat ne boude pas son plaisir, lui qui s’apprête à transmettre son cabinet de vétérinaire au cœur du village des Charbonnières, à la Vallée de Joux, à son fils cadet. Déjà, pouvoir remettre à un compatriote, cela devient rare, rare comme le nombre de spécialistes helvétiques de gros animaux. Ensuite, pouvoir transmettre à son enfant, qui plus est, un passionné (c’est le père qui le dit) et secondé par sa compagne Élodie, qui est assistante vétérinaire et éducatrice canine de formation, c’est l’idéal. Ça n’arrive même jamais. Le seul exemple auquel pense le futur retraité, c’est celui du vétérinaire Otto Sieber d’Estavayer, qui reprit jadis l’affaire paternelle.

Jean-Marc et Yann Rochat, la table d’examen et leur cabinet au centre du village des Charbonnières.

Les gros animaux ne séduisent plus

Le nombre de diplômés par année (quelques centaines) est faible; parmi ceux-ci, le nombre de professionnels qui s’intéressent aux vaches, chevaux et cochons constituent un cercle plus restreint encore. « Il n’y a plus de vétérinaires gros animaux suisses, même au Service Cantonal », schématise Jean-Marc Rochat, une orientation qui requiert de la force physique. Du reste, quand il a été gravement malade, il y a trois ans, c’est à des collègues belges qu’il a confié les remplacements et l’intérim. Or c’est de ces gros animaux dont s’occupe quatre fois sur cinq, le cabinet vétérinaire des Charbonnières avec, à la clé, une relation suivie avec les propriétaires.

Formé chez les Belges

En francophonie, c’est la Belgique qui forme le gros des troupes. Yann Rochat, trente ans, s’est formé, six ans durant, à Liège, après une première formation comme mécanicien auto, un métier qui ne lui convenait pas. Dès cet instant, il avait en ligne de mire de reprendre à terme le cabinet paternel. Son père, lui, avait choisi la seule autre option, se former en Suisse, mais en allemand. D’après lui, le métier s’est largement féminisé depuis qu’il a terminé sa formation, il y a quarante ans. À l’époque, c’était la parité homme-femme. Aujourd’hui, les hommes ne représenteraient qu’un vétérinaire sur dix.

Un métier qui a peu évolué

Autre évolution du métier (outre la paperasse, comme partout ailleurs), une attention plus grande à la gestion de la douleur et les plus grandes exigences de la clientèle «petits animaux». « Les propriétaires ont tendance à déranger le vétérinaire plus que par le passé et à demander davantage d’examens complémentaires, radiographies, prise de sang et bilan total, même pour des affections bénignes », commente Yann Rochat. « De toute façon, cela reste un métier contraignant, à cause des permanences. On bosse seul, sept jours sur sept », ponctue son père, qui tient à relever le rôle joué par son épouse Carine pendant toute sa carrière, répondant au téléphone et contribuant à l’administration. Aujourd’hui, du reste, les vétérinaires ont plutôt tendance à se regrouper à plusieurs dans un seul cabinet, c’est-à-dire, à travailler en équipe.

Pas le temps de collaborer

De fait, le métier a peu changé et les deux vétérinaires n’ont pas connu de conflit générationnel autour de leur métier. D’une part, parce qu’ils ne se sont jamais disputés mais aussi, parce qu’ils ont finalement peu travaillé directement ensemble: Yann a simplement pris le relais en 2020, quand Jean-Marc a dû se faire soigner. C’est même pendant les vacances, à l’époque de sa formation, quand le premier revenait de Liège, qu’ils ont le plus collaboré.

Yann Rochat a aussi déjà succédé à son père à la présidence de la Société des Abattoirs de La Vallée, rassemblant les bouchers et les agriculteurs, qui l’avait fondée.

Pas de « pas de porte »

Le raréfaction des vétérinaires, surtout pour le gros bétail, a un autre impact sur cette transmission: en 1987, quand il a repris de son prédécesseur, Jean-Marc Rochat a payé un pas de porte. Cette manière de faire n’est plus d’actualité, ce qui lui fait dire, avec l’humour pince-sans-rire de cette famille: «Je suis perdant!» – «Et moi, gagnant!», ponctue le fils. C’est d’autant plus vrai qu’on aperçoit la terre retournée et les machines de chantier depuis les fenêtres du cabinet: Jean-Marc va laisser la maison familiale (qui était déjà celle de son grand-père horloger) et il se fait construire sa propre villa juste à côté, C’est dire que cette paisible transmission se fait tout en douceur. Et que le futur retraité continuera sans doute à rendre des coups de mains au besoin.