La Vallée s’intéresse aux innovations énergétiques
Des panneaux photovoltaïques à l’éolienne, du biogaz au stockage de l’hydrogène, les solutions n’en finissent plus d’être explorées. Qu’en est-il de la Vallée de Joux ?
Les mesures de l’OSTRAL concernant les restrictions d’énergie ont secoué le monde des entreprises. La recherche de la plus grande autonomie possible pousse les uns et les autres à se tourner vers les énergies renouvelables-maison. Des panneaux photovoltaïques à l’éolienne, du biogaz au stockage de l’hydrogène, les solutions n’en finissent plus d’être explorées. Qu’en est-il de la Vallée de Joux ?
Créée il y a 30 ans, l’Ostral est l’organisation pour l’approvisionnement en électricité en cas de crise. Elle a établi 4 mesures, applicables selon la situation à laquelle le pays peut être confronté. Quelles sont ces mesures de l’Ostral qui demandent aux entreprises une telle vitesse d’adaptation ?
Les 4 mesures de l’OSTRAL (source Ostral et admin.ch)
Niveau 1 de surveillance : Le marché de l’électricité est fonctionnel, c’est-à-dire que la demande est équilibrée par l’offre.
Dès qu’une crise se dessine, c’est le niveau 2 « Restrictions de consommation volontaire » qui est activé ; le potentiel d’économie volontaire d’électricité pourrait, selon les estimations, atteindre 10%.
Si la situation le nécessite, la mise en vigueur d’ordonnances de gestion est demandée au Conseil Fédéral. Cette action signifie que le niveau 3 a été atteint ; c’est le « Contingentement des gros consommateurs ». Il a été demandé aux entreprises de se préparer depuis quelques mois à faire des économies d’énergie si une crise survenait.
Ces 3 premiers niveaux peuvent permettre d’économiser environ 30% d’électricité. Si cela ne suffit pas, alors le Conseil Fédéral prendrait des mesures « de dernier recours » : le niveau 4.
Finalement, c’est en niveau 4 que le Conseil Fédéral va déclencher la mise en vigueur desdites ordonnances. « Le Délestage cyclique » : il signifie que le courant est coupé en alternance pendant quatre heures, puis que le courant est rétabli pour quatre ou huit heures (rythme 4-4 ou 4-8).
Face à ces mesures, les entreprises de la Vallée de Joux cherchent de nouvelles solutions et principalement dans l’auto-production d’énergie. Parmi les discussions, l’éolien avec Laurent Reymondin, directeur d’Eoljoux.
« Ce qu’il faut avoir en tête c’est que la solution est dans le couplage des énergies renouvelables. »
Laurent Reymondin explique le couplage des énergies renouvelables : « Par exemple, l’éolien et le solaire se complètent à merveille. L’éolien peut dispenser l’hiver ce qui fait défaut au solaire et inversement. Il faut utiliser tout ce que nous avons à disposition : le solaire, l’hydraulique, le biogaz, l’éolien. En ce qui concerne Eoljoux, le projet est toujours en attente. Pour rappel, l’Office Fédéral de l’Environnement reprochait au projet d’être trop près de la zone de protection du grand tétras. Dernièrement, plutôt que d’attendre la réponse du tribunal fédéral, l’idée des
3 communes a été de lancer un nouveau projet en prenant en compte ces arguments. Le projet initial comportait 7 éoliennes qui permettaient la production de 55 GW, soit à peu près la consommation de la Vallée de Joux. Grâce aux progrès, il serait possible de retirer 3 éoliennes afin de reculer plus loin encore de la zone protégée. Ce serait 45 GW qui pourraient être produits avec seulement 4 éoliennes. Cette production serait complétée par les panneaux photovoltaïques, énergie renouvelable en développement important à la Vallée de Joux. Toutefois, l’éolien dépend aussi d’un minimum d’apport énergétique. L’autonomie complète est envisageable pour des lieux complètement isolés, mais la Vallée de Joux a déjà un réseau installé. »
Ces paroles ne sont pas sans rappeler celles du professeur Hans B. Püttgen, exerçant à l’EPFL et spécialiste de l’énergie en Europe, en Asie et aux Etats Unis. En effet, lors du Forum de l’économie du Nord vaudois à Vallorbe ce 14 octobre, il lançait un appel : « Il faut sérieusement pousser l’éolien et déployer le photovoltaïque, tout en réfléchissant au stockage. Cela nécessitera une planification intégrée pour produire de l’hydrogène. »
En effet, si le couplage des énergies est une route qui semble prometteuse, le stockage de l’énergie reste l’interrogation mondiale. Les événements actuels ont hissé cette question au sommet des conversations et chacun cherche LA solution miracle. Un stockage peu cher, issu d’une énergie renouvelable, et en plus, propre. Alors, réfléchir au stockage par la production d’hydrogène, qu’est-ce que cela signifie ?
L’électrolyse de l’eau pour produire de l’hydrogène ?
Il est possible de produire de l’hydrogène en utilisant de l’eau et de l’électricité issue des panneaux solaires, comme sur la centrale de Myrte en Corse.
Du Soleil en bouteille L’objectif de la plateforme est de produire et stocker l’énergie via une chaîne Hydrogène. Cette dernière est composée d’un électrolyseur, qui produit, pendant les heures de faible consommation, de l’hydrogène et de l’oxygène à partir de la molécule d’eau. Cette énergie est ensuite restituée via une pile à combustible, qui recombine l’hydrogène et l’oxygène en eau et produit de l’électricité sur le réseau, par exemple pendant les heures de forte consommation, c’est-à-dire le soir alors que les panneaux photovoltaïques sont inactifs. Ce dispositif produit également de la chaleur qui peut être stockée pour diverses utilisations annexes ( source : https://www.universita.corsica/fr/recherche/plateforme-energetique-myrte/)
Un stockage qui fait beaucoup de perte
Ensuite il est possible de faire l’opération inverse et de récupérer de l’électricité en transformant l’hydrogène en eau. Cette transformation étant réversible, on peut donc utiliser l’hydrogène pour stocker de l’électricité. Mais comme le montre une étude réalisée par l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, en France), pour générer 100 kWh d’électricité à partir de l’hydrogène, il faut 440 kWh d’électricité! Le stockage hydrogène c’est 80% de pertes dans le processus de stockage. (source: https://www.comwatt.com/blog/energie/actu/stockage-batterie/stockage-hydrogene-avenir/)
Encore plus novateur, la production de l’hydrogène vert par thermolyse, comme l’explique Gautier Corbat. Gautier est le directeur de H2Bois, gagnant du prix entreprise du concours de l’innovation bois bioTop en septembre à l’Hôtel des Horlogers.
Qu’est ce que la thermolyse ?
Il s’agit d’un procédé où le bois est chauffé pour libérer du Biochar, une sorte de charbon végétal valorisé dans l’agriculture locale ; du carbone et de l’hydrogène vert. Au contraire d’une combustion, dans ce procédé, le carbone n’est pas rejeté dans l’atmosphère, permettant ainsi de produire le seul hydrogène suisse à émissions de carbone négatives.
Quel est le rendement ?
Il faut 17’000 tonnes de bois pour produire 450 tonnes d’hydrogène, cela semble beaucoup mais en même temps, nous utilisons du bois de seconde zone dont personne ne veut, et cela permettrait de belles collaborations avec la filière du bois sous-exploitée en Suisse. Pour donner une idée, avec cette production, c’est une énergie équivalente à la circulation de 3000 voitures par an qui est produite.
La production d’hydrogène par thermolyse intéresse-t-elle les entreprises suisses ?
L’hydrogène produit par thermolyse, c’est 10 fois moins gourmand en électricité et les coûts ne sont pas les mêmes. Nous venons de déposer le permis de construction à Glovelier, et allons démarrer la construction de l’unité de thermolyse. Ce que nous vivons actuellement, c’est que des entreprises, surtout horlogères, s’installent à proximité de cette prochaine unité de thermolyse afin de bénéficier de l’approvisionnement en direct de l’hydrogène. Pour les entreprises installées plus loin, nous proposerons d’acheminer l’hydrogène sur place.
Ce système d’unité de production est - il reproductible ailleurs ?
Tout à fait, c’est le même principe que les centrales de chauffe à distance. Si plusieurs entreprises sont intéressées, alors une unité de production peut se construire à proximité. L’hydrogène sera donc acheminé directement par des pipelines sur le lieu de consommation. C’est ce qui est fantastique, car il n’y aurait pas de coût de compression et de stockage d’hydrogène en barre. Pour l’entreprise, ensuite, il faut simplement se servir comme avec un robinet que l’on ouvre ou que l’on ferme, en direct.
Il faut combien de temps pour construire une unité de production ?
Le permis vient d’être déposé ; une fois les recours passés, nous espérons produire de l’hydrogène dans le Jura en 2024 voire 2025.
Cette avancée dans des techniques encore méconnues il y a quelques années laisse présager qu’un fois encore, l’homme sait rivaliser d’ingéniosité pour s’adapter à son environnement. En effet, depuis des siècles, l’homme s’adapte grâce à des innovations et des progrès étonnants. Il semblerait que l’ère de l’électricité telle que nous la connaissons, passe doucement derrière nous pour laisser la place à des idées qui n’auraient peut-être pas bénéficié du soutien actuel sans ce sentiment d’urgence.