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Comment l’augmentation du trafic va être absorbée

Panorama des efforts pour rendre minoritaire la part de trajets solo en voiture privée.

À l’heure où nombre de villes introduisent des mesures de limitation du trafic et de la vitesse, la Vallée est Joux est aussi prise dans ce faisceau d’enjeux, portés surtout par le trafic frontalier et le tourisme. Or, la prévision d’une augmentation sensible des emplois locaux d’ici 2030 va souligner encore la force de ces enjeux. Panorama des efforts pour rendre minoritaire la part de trajets solo en voiture privée.

Huit mille places de travail, occupées à 65% par des frontaliers, réparties dans une série de manufactures étalées sur quinze kilomètres: c’est l’équation à laquelle la Vallée de Joux répond et plutôt bien. Depuis belle lurette, les entreprises ont empoigné la question, en lien avec les pouvoirs publics par le biais d’une interface dédiée (l’ADAEV) et mis au point des plans de mobilité. Il en a résulté des solutions de trafic en commun, principalement des bus et des navettes d’entreprises. Quant au covoiturage, la part d’employés qui y recourt se monte aujourd’hui à un quart (pour 30-40% pour l’ensemble des usagers). Cette solution originale se porte donc bien.

Une étude lancée en 2020

Depuis les années 1990, la régulation des mobilités quotidiennes fait l’objet de prises de conscience politiques, économiques et citoyennes. Et le sujet semble revenir toujours plus à l’agenda. Dans ce domaine, la Vallée de Joux a toujours été proactive et en juin 2020, ses trois communes ont lancé une étude de mobilité.

Le secteur civil est, lui aussi, attentif et mobilisé, avec l’exemple d’une plutôt rare pétition lancée l’an dernier sur la question des nuisances sonores. Des collectifs se mobilisent ailleurs dans le pays et il existe même une Ligue suisse contre le bruit. La réflexion des pétitionnaires combiers, plus large que la seule question du bruit, a été intégrée à un groupe de travail mêlant les différents acteurs locaux, qui s’est réuni pour la première fois le 21 septembre 2020.

Et ce début d’année, le résultat de cette étude de mobilité a été présenté aux représentants des citoyens et une grappe de mesures proposée.

Plus grand goulet d’étranglement de la Vallée, sorte de «Maladière» locale, le rond-point du Brassus. L’introduction d’un sens unique en direction de l’Orient fait partie des mesures étudiées.

Prédictions ambitieuses

À la base de cette étude, des prédictions d’une augmentation du nombre de places de travail: l’étude de mobilité spécule que La Vallée puisse atteindre onze mille emplois en 2030. On parle d’une augmentation conséquente du trafic interne (+20%) et plus encore en échange (+35%). Ajouté à des normes environnementales de plus en plus strictes, cet horizon va mettre sous pression les infrastructures. Pour parler des effets, le nœud routier de la région, le rond-point à l’entrée du Brassus est déjà saturé aux heures de pointe, avec un trafic de 1’900 personnes par heure. La surface dédiée aux parkings d’entreprises devra s’accroître à l’équivalent de minimum deux, maximum six terrains de foot (contre neuf actuellement).

Réduire les voitures solo de 24 points

Concrètement, les autorités locales se sont fixé un but ambitieux, celui de réduire d’un quart les voitures conduites par un seul utilisateur. Comptant aujourd’hui pour 64% de la mobilité locale (interne, pendulaire et traversante), ces «voitures solo» devront être réduite à 40%. Les principaux partenaires de cette modification des comportements de mobilité sont les entreprises, invitées à consolider leur plan de mobilité en augmentant le nombre de collaborateurs recourant aux bus d’entreprise et en tarifant davantage le stationnement sur leurs parkings.

La Vallée de Joux comptabilise désormais, en plus des deux campings officiels, six aires de débordement pour camping-cars totalisant une centaine de places. Ici, au bord du lac, du côté du Pont.

Développement de la mobilité douce

C’est sur le développement de la mobilité douce que les autorités espèrent le plus faire porter le changement. Actuellement à 11% pour le trafic professionnel, celui-ci pourrait se monter à 25% dans l’avenir rêvé par les autorités. Ce chiffre comprend notamment les navettes d’entreprise et les deux-roues motorisés.

La pleine intégration de la ligne CFF locale au RER Vaud acquise cet été est une avancée. Elle a amélioré le confort du trajet, pas forcément sa durée. Le principal obstacle est ici l’absence de ligne transfrontalière. Le tracé Frasne-Vallorbe, seul existant, double le temps de trajet jusqu’à La Vallée par rapport à la voiture. Plus pertinent qu’une ligne de bus depuis Morges ou Nyon, une ligne de bus depuis le parking de la Cure jusqu’au Brassus serait bienvenue.

Davantage de bus

De fait, des services de navettes existent déjà aux trois points d’entrée suivants dans La Vallée: Le Brassus, la côte de Mouthe et le Mont d’Orzeires-Vallorbe. Deux de ces services sont déjà inter-entreprises. L’offre correspond ici à la demande et les entreprises paient elles-mêmes la majorité des coûts.

Les communes entendent désormais renforcer ce service de navettes par la mise en place de parkings relais dans le Haut-Doubs et le Haut-Jura voisins et côté suisse, par un système de vanpooling (ou covoiturage par fourgonnette) depuis des parkings relais à Bière et L’Isle. Des subventions sont prévues pour les entreprises qui accroîtraient ainsi leur offre de bus-navettes. Mais, un tel changement se heurte à la volonté des utilisateurs et ne peut se faire que dans le cadre d’un travail sur les mentalités.

Les nouveaux parkings d’entreprise doivent être sur plusieurs niveaux pour réduire l’empreinte au sol. Audemars Piguet en a ouvert deux, en 2021 et cette année, en béton et bois, dédiés au covoiturage. Ici, celui du Brassus, à deux pas de son futur «campus».

Covoiturage

Finalement, c’est peut-être la solution qui a jusque-là porté le plus de fruits qui reste la plus prometteuse. D’après le site covoiturage-arcjurassien.com, cette solution a doublé en dix ans. Chaque année depuis 2012, cette plateforme intercantonale et transfrontalière organise un concours incitant les employés à covoiturer durant une semaine. Avant le Covid, le nombre de participants de cet exercice dépassait le millier. Les entreprises combières ont par exemple été distinguées en 2017 et 2022. Problème, le Covid a risqué de mettre à bas des années d’effort en rendant la pratique du covoiturage sinon déconseillée, du moins problématique.

Une gestion facilitée en ligne

L’avantage de rouler à deux ou trois est la souplesse du système. Il offre de la flexibilité à des employés qui devraient prolonger leur journée de travail pour terminer une tâche ou à l’inverse, partir plus tôt pour récupérer un enfant. Outre l’évolution des mentalités, c’est l’aspect pratique, celui de la coordination et de l’organisation, que l’étude entend faciliter en développant une plateforme commune inter-entreprises. L’application dédiée Fairpark est déjà en train d’être mise en place à l’interne par certaines entreprises. L’étude de mobilité prévoit, elle, une augmentation modeste de 5% du covoiturage par rapport à la situation actuelle.

Finalement, le télétravail pourrait lui aussi participer, à hauteur de 5% selon l’étude, à une réduction du trafic, de l’empreinte carbone et des nuisances sonores. C’est un héritage de la période Covid, qui reste toutefois inaccessible à une majeure partie des employés des manufactures travaillant sur de la matière.

Municipalités réactives

Du côté des autorités, il a fallu aussi réagir aux évolutions des dernières années: l’essor des camping-cars, pendant le Covid, a poussé la mise en place des règles, des zones de stationnement et une tarification. Autres actions dans le domaine des deux-roues: la pose des barres de marquage blanches perpendiculaires à la route dans le Mollendruz, pour améliorer  la sécurité et diminuer les nuisances sonores; ici, c’est le village du Pont, Riviera locale qui, au départ ou à l’arrivée d’un col très roulant et prisé des motards, souffrait les jours de beau. Enfin, sur le plan de l’électromobilité, La Vallée s’est dotée d’une infrastructure de recharge: 19 places réparties dans 9 endroits entre un côté et l’autre de La Vallée ont été installés en 2018.

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