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Pneus d’hiver: la période chaude pour les garagistes

Pour les garagistes, c’est la période la plus chargée de l’année

L’hiver arrive, comme une alarme réveillant les automobilistes qui n’ont pas encore changé leurs pneus. Pour les garagistes, c’est la période la plus chargée de l’année, où ils doivent engager des renforts. Explications et anecdotes recueillies chez trois d’entre eux.

Les pneus représentent environ un quart du budget d’entretien d’une voiture. Chaque automne, comme ces jours, il faut réfléchir si les anciens sont réutilisables, où on les a entreposés, s’il faut au contraire en commander de nouveaux ;  même quand le garagiste s’occupe de tout, il faudra s’organiser pour lui laisser son véhicule une journée entière. 

Personnel auxiliaire

Du point de vue des garagistes, cette période est synonyme d’activité quasiment frénétique. Tous ou presque engagent du personnel d’appoint. «Trois quarts de notre force de travail y est actuellement consacrée. Et nous gardons un mécanicien de garde pour les autres travaux et les pannes», explique Jérémy Rochat, du garage Natec des Bioux. Pierre Piguet, propriétaire du Garage du Brassus et concessionnaire Citroën, dispose, lui, d’une équipe un peu plus importante (sept personnes) et il «s’arrange». Concrètement, il a contacté tous ses clients par circulaire en indiquant les créneaux disponibles et groupé un maximum de demandes sur des journées dédiées: «De telles journées, c’est dix voitures par mécano, à raison d’une heure chacune ; c’est le temps qu’il faut pour laver les roues, changer les pneus, rééquilibrer, étiqueter et stocker. En clair, on aligne les heures supplémentaires et on les reprendra par la suite», indique le garagiste du Brassus. La fréquence des appels est aussi liée à la météo. Sans surprise, le téléphone sonne moins quand il fait beau, même frais. «Ce matin [lundi ndlr], il pleut et l’on annonce la neige. Résultat: nos secrétaires sont pendues au bout du fil.»

Rappel sur le calendrier

Jérémy Rochat a prévu le coup avec un calendrier annuel qu’il remet à ses clients: «La photo du mois d’octobre arborait une grosse inscription “n’oubliez pas vos pneus d’hiver”. Je me souviens que le premier jour du mois, le téléphone n’a pas arrêté de sonner. Je me suis dit: “Cela a marché”!» Un post sur Facebook et une publicité dans la feuille locale («Winter is coming – changez vos pneus») jouant sur la série multiprimée Games of Thrones a fait le reste du travail. Le premier client chaussé, un restaurateur, l’a été le 1er octobre. Pierre Piguet a, lui, enregistré une demande encore plus tôt, quoique, marginale en septembre déjà. Il arrive que les équipements d’hiver soient installés par nécessité, quand un client arrive avec des gommes dont le profil n’est plus suffisant. Dès lors, pourquoi attendre? D’autant que les pneus d’hiver peuvent et devraient être installés dès que la température passe sous les 7°; ils sont alors plus efficaces même en l’absence de neige. 

Le gros est déjà passé

Cette période très intense dure six semaines. À la Vallée de Joux, les journées les plus chargées sont même déjà derrière, constatent nos interlocuteurs. Car les Combiers, rodés à l’exercice, savent que la période des vacances scolaires d’automne, quand il faut dégivrer son pare-brise pour la première fois depuis le printemps – et même si la météo est encore radieuse – rime avec un téléphone à son garagiste. «Depuis deux ans, il me semble qu’ils sont plus prudents et anticipent; il y a eu des années où l’on commençait seulement quand la neige arrivait!» se souvient Eliseo Occhipinti, patron du garage ValCars au Brassus, lui aussi. «À La Vallée, on essaie toujours de mettre des bons pneus. Il ne faut pas lésiner sur le profil», détaille-t-il.

Une solution pour les frontaliers et pendulaires

D’ici la fin novembre, cette effervescence sera terminée. Et c’est là que des automobilistes de plaine «se réveilleront» à la première neige et voudront s’équiper, mais au prix, particulièrement en ville, de délais d’attente «monstrueux» – dixit Pierre Piguet. De quoi faire monter des clients du bassin lémanique dans des garages combiers? Nos interlocuteurs infirment: ce n’est pas le cas.

En revanche, nombre d’automobilistes qui travaillent à la Vallée de Joux y font également changer leurs pneus. Le Garage du Brassus est idéalement placé: à l’intersection du col du Marchairuz, près de deux grandes manufactures horlogères. «C’est très pratique pour les pendulaires et cela nous rend concurrentiels, analyse Pierre Piguet. En plaine, des boîtes spécialisées comme Euromaster, qui gèrent un volume de pneus cent fois supérieur au nôtre, peuvent pratiquer de meilleurs prix. Par contre, nos clients apprécient de laisser leur voiture le matin à deux pas de leur lieu de travail et de la retrouver le soir, prête.» Cette offre qui mise sur le côté pratique concerne aussi le public frontalier. Jérémy Rochat: «Nous allons parfois chercher et ramener les voitures sur les parkings des entreprises. Pour les Français, la main d’œuvre en Suisse est plus chère, mais leurs concessionnaires sont parfois plus éloignés que nous. Ils s’y retrouvent donc au final.» À ce titre, le garagiste des Bioux estime qu’un tiers de sa clientèle hexagonale n’est même pas employée à la Vallée de Joux.

Comparaison européenne

Justement, la France vient de rendre obligatoire les pneus neige dans 36 de ses départements, dont le Haut-Jura, le Haut-Doubs et les parties de l’Ain limitrophes de la Suisse, avec effet au 1er novembre. En Allemagne, les équipements d’hiver sont obligatoires depuis longtemps. En Finlande, où ils ont été inventés, depuis 1978. En Suisse, il n’y a aucune obligation. Seul risque: l’amende, en cas d’accident et si les pneus n’était pas aux normes. Jérémy Rochat salue la souplesse du système helvétique et le fait que les conducteurs jouent le jeu: «Pour les collègues français, cela implique des horaires encore pire que nous et il n’est pas sûr que ce soit nécessaire, si par exemple la première neige n’arrive exceptionnellement qu’à fin novembre. On peut même rouler à la rigueur en février avec des pneus d’été, sur route sèche. Si on avait dû équiper toute notre clientèle pour le 1er novembre, quand est-ce qu’on aurait dû commencer?» En août? C’est en effet à cette période que les garagistes combiers commandent le plus possible de leur stock de pneus d’hiver en prévision de l’automne.

Et ceux qui changent leurs propres pneus?

Reste qu’une partie – un quart, peut-être moins, d’après nos interlocuteurs – des Combiers changent encore leurs pneus eux-mêmes. Chaque voiture est du reste équipée pour ce faire d’un cric et d’une clé de roue. À ceux-ci, Eliseo Occhipinti rappelle toutefois: «Faire attention à monter le pneu dans le bon sens – les sillons latéraux vers l’arrière. Et prendre garde de nettoyer les boulons de leurs impuretés et de ne pas les serrer exagérément. Sinon, “bonjour”, au printemps, pour les dévisser!» Dernier conseil du garagiste de ValCars: «Contrôler la pression des pneus une fois le changement effectué. Ces dernières semaines, je vois beaucoup de clients passer à notre outil de gonflage!»

Maîtriser cette manœuvre n’est pas tout: il faut aussi disposer d’un espace de stockage suffisant chez soi. Mais cela tend à diminuer. «Le fait que les roues deviennent de plus en plus grosses et lourdes plaide en faveur des garagistes», observe Pierre Piguet. Jérémy Rochat abonde dans ce sens: «J’ai la chance de disposer de pas mal d’espace. Nous facturons soixante francs à l’année pour l’entreposage des roues. Le prix du mètre carré en plaine fait que les collègues proposent le double de ce prix.» 

Anecdotes pour sourire

Pour terminer, nos interlocuteurs ont tous une anecdote croustillante à propos de pneus. Les blagues sur les automobilistes du Plateau suisse plantés dans la neige pour avoir omis de s’équiper sont en bonne partie obsolètes. N’empêche. Jérémy Rochat rit doucement de clients qui l’appellent en lui disant qu’ils se sont fait surprendre par la neige. Tu parles d’une surprise! À ceux-ci, il répond que le délai d’attente peut atteindre actuellement trois semaines, sauf en cas d’urgence absolue. Pierre Piguet, lui, se souvient de clients – qui roulaient très peu, il est vrai – arrivés à son garage pour faire monter leurs pneus d’hiver – immédiatement reconnaissables par les professionnels à leur profil dessinant un sapin. «Mais vous les avez déjà !», leur a-t-il répondu. Eliseo Occhipinti a du plus croustillant: une conductrice arrivée cette saison avec des pneus lisses comme un dessus de table. «Jamais vu ça en quinze ans! C’est dangereux en plus d’être illégal. La police peut amender et immobiliser le véhicule», prévient-il.

Moins de stress pour les pneus d’été

Au printemps, ce sera rebelote avec le changement en pneus d’été. Pour les garagistes, l’opération est moins intense car elle s’étale davantage, sur deux mois et plus. «Cela commence avec les vacances de Pâques et ceux qui veulent partir rouler en France, par exemple. Or Pâques survient plus ou moins tôt dans l’année. Ensuite, il n’y a pas la même pression qu’à l’automne avec l’arrivée de la neige où l’on doit agir sans tarder. Si un client doit patienter au printemps, il peut continuer de rouler avec ses pneus d’hiver et tant pis si ceux-ci freinent un peu moins bien et qu’il consomme un peu plus de carburant. Au pire, certains tirent même leurs pneus d’hiver sur toute la belle saison, sur deux ou sur quatre roues», toujours selon Eliseo Occhipinti.

Dernier point d’actualité, les difficultés logistiques que connaît actuellement l’Europe sur certains produits affectent aussi les garagistes. Pas pour les pneus, mais pour les jantes, par exemple. «Mi-novembre, ça va commencer à “coincer” sur certaines dimensions et certaines marques, on va vers une pénurie. J’attends encore certaines pièces commandées il y a deux mois alors que d’ordinaire, je les ai en une semaine», conclut Pierre Piguet.

Le saviez-vous?

  • Les pneus hiver contiennent plus de caoutchouc naturel que les pneus été et sont donc plus souples. Leurs sillons permettent de retenir la neige et la neige fondue; s’ils la tassaient comme le font les pneus d’été, cela rendrait la surface plus glissante.
  • L’extrême limite légale pour le profil est de 1,6 mm de profondeur pour le sillon. Déjà, à moins de 4 mm de profondeur, le constructeur avertit que le pneu n’a plus la même performance.
  • Les premiers pneus hiver ont été fabriqués en 1934 en Finlande.