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Bois d’énergie: un régulateur du système

Une partie du bois du Risoud finit dans les fourneaux des particuliers et des centrales de chauffe.

Une partie du bois du Risoud, surtout le feuillu et les résineux de moins bonne qualité, finit dans les fourneaux des particuliers et des centrales de chauffe. Or sans elles, la branche forestière serait soumise à des fluctuations trop compliquées et perdrait une partie de ceux qu’elle fait vivre. Avec un paradoxe: autant il est tendance d’avoir une petit poêle à domicile, autant l’État pourrait à terme serrer la vis, à cause des émissions de particules fines 

La demande augmente. Ainsi en témoignent en chœur Martial Reymond et Michel Berney, tous deux marchands de bois de feu, vendeurs de bûches, pour faire simple. Mille stères sont produites chaque année à la Vallée de Joux avec le bois local, dans de petites installations et revendues à des particuliers. Rares sont ceux qui se chauffent entièrement au bois (hors pellets). Les clients ont surtout des fourneaux d’appoint, pour agrémenter les fraiches soirées d’entre-saison et plus encore passer l’hiver.

Ecosensibilité

Pour le second, une conjonction de facteurs explique que leur affaire se porte bien: l’ère du temps, le souci écologique et des circuits courts en est un. Du reste, l’État de Vaud impose une compensation en renouvelable pour toute nouvelle construction ou agrandissement significatif. Isolation, panneaux solaires ou… fourneau d’appoint font l’affaire. Le Covid offre une deuxième piste d’explication. Le confinement de l’an dernier a donné du temps à certains propriétaires de s’intéresser davantage à leur chauffage, eux qui, d’ordinaire et pour se simplifier la vie, poussaient simplement le thermostat. Dernièrement, une clientèle plus âgée, qui s’est toujours chauffée au bois, n’a plus la force de le débiter elle-même et se tourne alors vers les professionnels.

Vendeurs de bûches mais pas que

Ces artisans du bois exercent un métier qui dépend des saisons. La coupe a surtout lieu à l’automne, même si l’on peut aussi bûcheronner en hiver. Michel Berney, lui, n’achète que du bois hors sève, qu’il va chercher en tas en forêt. Rareté, le trentenaire travaille également dans l’horlogerie à 60%. À l’entrée de l’Abbaye, armé de sa machine finlandaise, il prépare sa bûche longtemps à l’avance. Martial Reymond, basé sur le site de Combe Noire, attend les commandes pour ensuite débiter son bois. Lui aussi doit répartir ses efforts différemment dans l’année. Formé comme bûcheron, il débarde en forêt et passe les mois d’hiver, janvier et février, à fabriquer des tavillons. 

Type de combustion

Des différentes essences qu’on trouve en forêt du Risoud, c’est le foyard (hêtre), plus dense, qu’on utilise le plus comme bois d’énergie, avec son pouvoir calorifique un tiers supérieur aux résineux (sapins). Ce dernier fournit d’ordinaire le bois de qualité industrielle et supérieure (pour les boites de vacherin, les tavillons, les meubles ou la lutherie); mais le sapin de moindre qualité sert aussi, par défaut, comme bois de chauffe. Certains corps de métier – les fromagers dans leur alpage – le préfèrent car il brûle plus vite et donc sa température est plus facilement contrôlable. 

Dans tous les cas, le bois devra sécher deux ans avant de finir dans un fourneau, le temps pour lui de descendre à un taux d’humidité inférieur à 20% pour le bois sec.

Trois grosses centrales

Problème toutefois: les installations privées, non munies d’un filtre, émettent des particules fines, jusqu’à 800 mg/m3 de fumée. La norme industrielle pour les particules de fumée est de 20 mg/m3 de fumée, Sogebois et Brassusbois en émettent 2 mg. La Vallée de Joux compte quatre centrales industrielles, dans l’ordre décroissant de taille, au Sentier, au Brassus et au Lieu (trois S.A. détenues par les communes et quelques autres actionnaires) et une coopérative aux Charbonnières. Les trois dernières utilisent du bois du Risoud, lequel est déchiqueté puis séché dans des hangars avant d’être amené en chaudière. 

Bois de chantier et de démolition

La centrale de chauffe du Sentier et ses deux chaudières totalisant 4’400 kW de puissance ont toutefois une particularité par rapport aux deux autres, celle de brûler principalement (80%) du bois de rebut, issu de chantiers et de démolitions et préalablement trié, criblé et déféraillé, ainsi que (40%) des rémanents de coupe, soit du bois collecté au bord des routes forestières ou en pâturage qu’on broie entièrement, directement sur place. Cette option prise au Sentier est le fruit d’une circonstance. Sogebois est née à une époque, le tout début des années 2000, où l’État cherchait un débouché pour son bois de rebut et promouvait son utilisation dans le chauffage industriel. Sylvain Berney, son directeur, explique: «La centrale du Sentier nous permet de valoriser encore un bois qui, autrement, finirait à l’incinérateur ou l’enfouissement et d’économiser l’équivalent de deux millions de litres de mazout par an.»

1’200 ménages bénéficient du chauffage collectif au bois

L’équivalent de 1’200 ménages sont aujourd’hui raccordés au chauffage à distance par bois. La dernière en date, une maison du quartier de l’hôpital, vient d’être mise en service. Et l’on est frappé par le nombre d’employés que requièrent ces grosses installations, y compris le développement du réseau de canalisation: trois pour toute la Vallée de Joux. Le processus est en effet automatisé en majeure partie et le travail tient de la maintenance industrielle. Sylvain Berney explique: «Notre desserte des habitants du village est conçue un peu à l’image d’une colonne vertébrale. Il faut qu’il y ait quelques gros consommateurs sur la ligne, par exemple, le centre sportif ou une usine.»

Régulateur économique

Pour l’année 2020, la part de bois d’énergie produit par la commune du Chenit s’élève à 16,5% du volume récolté. Le bois d’énergie tient une place essentielle dans la filière, comparable à celle d’un tampon ou d’un régulateur. Sans les centrales de chauffe et, en plus petite partie, les mille stères de bûches vendues et brûlées chaque année, la filière du bois serait trop dépendante des aléas météorologiques et des fluctuations du marché du bois de construction et de qualité. L’avantage du bois de chauffe acheté par Sogebois est ici son tarif constant.

Un dernier chiffre vient pondérer cette remarque: les variations dans la consommation dues aux saisons. Sylvain Berney: «La demande d’énergie entre l’été et l’hiver passe d’un rapport de un à dix. Nous produisons 800 kW à la belle saison jusqu’à 8’000 lors des grands froids.»