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Le Bois, essentiel à la Vallée de Joux News Thème du mois

Le Bois, essentiel à La Vallée

Derrière l’arbre se cache toute une économie

Derrière l’arbre se cache toute une économie forestière, propre à la Vallée de Joux. Depuis la graine jusqu’à la marqueterie fine, le savoir-faire des entreprises combières sera exploré tout au long de ce nouveau thème de la saison.

Communes forestières

Avec un peu plus de 15’000 hectares de surface boisée, la Vallée de Joux et ses trois communes sont parmi les plus forestières du Canton. On y trouve différentes essences de bois : des résineux, avec l’épicéa et le sapin blanc, mais aussi des feuillus comme le hêtre, l’érable, frêne et l’alisier blanc, entre autres. Des espèces propres à notre altitude et aptes à faire face aux hivers longs et rigoureux. Le sol a également son importance, très peu profond, avec des dalles rocheuses juste sous la surface. « Il y a différents types de forêt, raconte Rémy Meylan, garde-forestier à la Commune du Chenit, il y a la forêt fermée où le bétail n’a pas accès, la forêt parcourue par le bétail, le bois sur pâturages, et les pâturages. » Chaque essence a son rôle bien défini « l’épicéa d’abord, explique Jan-Matti Keller, inspecteur de l’arrondissement 11-16, basé au Brassus, ses premières billes de bois sont destinées à la menuiserie et aux facteurs d’instruments de musique, avec le bois de résonnance. Les deuxièmes billes vont à la construction et les derniers morceaux servent pour créer de l’énergie. Le hêtre est principalement utilisé en bois d’énergie, on le transforme en plaquettes pour les centrales combières et en bûches pour les particuliers. »

Gestion de la forêt

C’est à partir d’un plan de gestion validé par la commune et le canton que les gardes-forestiers entretiennent la forêt « le boisé a été identifié lors de l’élaboration du plan de gestion, explique Rémy Meylan, on connait l’accroissement de la forêt qui est de 5 ou 6 sylves (mètres cubes forestiers, ndlr) par hectares, ce qui donne la possibilité de coupe. On a entre autres la tâche de marteler les arbres (marquer les arbres pour l’abattage). Pour marteler on mesure l’arbre avec une pince de martelage, à environ 1m30 du sol. Sur la commune du Chenit, on peut couper chaque année 12’110 sylves. L’exploitation se fait au printemps puis du mois d’août aux premières neiges (mi-novembre). Une grosse partie de la coupe est du bois de qualité utilisé principalement pour la construction et un peu pour la menuiserie. Chaque garde reconnait un arbre potentiellement de résonnance, c’est seulement coupé et à terre que l’on peut déterminer précisément s’il pourra être utilisé en bois de résonnance. On les marque différemment sur la tranche de l’arbre, mais il ne va pas se vendre spécifiquement aux luthiers, il est vendu aux scieurs, où les intéressés doivent se fournir. Nous ne gérons pas la vente, nous travaillons avec La Forestière, société coopérative des propriétaires et d’exploitants forestiers, qui commercialise les bois. Nous exploitons et mettons à disposition au bord des chemins pour les porte-camions. La Forestière s’occupe de la vente des bois mise à leur disposition à port de camion et garantissent aux propriétaires le payement de celui-ci. »

Sylviculture

« C’est en période estivale que nous prodiguons des soins au jeune peuplement, explique le garde-forestier. On travaille la forêt avec une optique « proche de la nature ». La forêt a poussé naturellement mais façonnée par l’homme. Avec le plan de gestion, nous savons quelles essences valoriser, avec une vision à long terme, les arbres poussent lentement, nous ne faisons que récupérer le travail des anciens et préparer celui des futures générations de forestiers, mais également pour la population qui va profiter de la forêt. Le travail s’effectue en mosaïque, par exemple nous allons favoriser un secteur de résineux, puis un autre en feuillus, mais également un secteur pour la biodiversité. Tout ça sur une petite surface. D’où l’importance d’une bonne formation du personnel forestier. »

En hiver

En période froide, les employés communaux dévoués à la forêt sont mis à contribution pour tracer les pistes de ski de fond et soutient également le service aux routes à la première neige tombée. En plus d’aller sur des chantiers en plaine, ils font des petites constructions comme des bancs, tables, bacs à fleurs destinés à la vente ainsi que des tavillons pour les chalets d’alpages de la commune. « On essaye de refaire et entretenir les 38 refuges de la commune du Chenit, poursuit Rémy Meylan, la Pierre à Ecusson est presque finie, on a fait le refuge en place pour les JOJ 2020 qui se trouvait sur la terrasse du Centre Sportif et déplacé à la Rinaldi depuis. On suit la gestion des chalets d’alpage, propriété de la Commune. Tous les pâturages sont soumis aux régimes forestiers et nous intervenons donc également sur ceux-ci. Actuellement la Commune fait des étangs pour le bétail dans la région des Begnines, nous effectuons le suivi de chantier. »

Forêt de demain

« Nous sommes aujourd’hui à la croisée de chemins. Avant le résineux était favorisé, plus rentable. Mais avec le changement climatique le but est de laisser de la forêt pour les générations futures. L’épicéa souffre énormément de la sècheresse et de la chaleur, il a un enracinement traçant (se croche sur les cailloux, ndlr). Le sapin blanc et le hêtre résiste assez bien, leurs racines descendent plus profond et vont chercher plus d’humidité. Le sol est pauvre, c’est pour cette raison que nous ne plantons pas d’arbres en forêt, on garde les arbres habitués au climat rude de la Vallée de Joux. Les groupes de jeunes poussent souvent sur des souches et du bois mort là où il y a des éléments nutritifs dans le sol, on laisse les arbres secs afin de protéger le sol du soleil et d’apporter de l’humidité au sol une fois qu’il sera tombé. On garde un maximum de mélange dans toutes les strates de la forêt. C’est important pour la faune et la biodiversité. Actuellement on met en place un réseau d’arbres habitat. L’idée générale est d’avoir des zones de réserve plus ou moins grandes où on n’intervient pas du tout. Entre ces réserves, on fait des îlots de vieux bois (pas d’intervention pendant 50 ans), entre tout ça, un réseau d’arbres habitats jusqu’à ce qu’ils disparaissent, cette mise en place d’un réseau « biodiversité » est important pour tout l’écosystème forestier. Pour récolter un arbre à la Vallée de Joux avec une qualité et un diamètre suffisant il faut compter entre 200 et 250 ans. C’est de la gestion à très long-terme que les forestiers mettent en œuvre depuis des générations. »