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Des étincelles pour chantourner

Il est difficile de croire pour les néophytes que des étincelles soient utilisées pour enlever de la matière.

Et c’est pourtant le cas quand on parle de l’électroérosion. Un savoir-faire présent à la Vallée de Joux, dans les grandes manufactures qui ont leurs propres ateliers dédiés, mais aussi chez des indépendants, dont la société Protofil, qui en a fait sa spécialité.

Etincelage

Quelques explications s’avèrent nécessaires. Selon Wikipédia, l’électroérosion est un procédé d’usinage qui consiste à enlever de la matière dans une pièce en utilisant des décharges électriques. On parle aussi d’usinage par étincelage. Cette technique se caractérise par son
aptitude à usiner tous les matériaux conducteurs de l’électricité (métaux, alliages, carbures, graphites, etc.) quelle que soit leur dureté. Le procédé d’usinage consiste à faire passer un courant dans un diélectrique, afin de générer une «bulle» de vapeur ou de vide qui s’ionise et se résorbe en implosant, entraînant la destruction de la matière. Cette destruction (microimplosion) provoque l’étincelle.

Le courant de forte intensité ionise un canal à travers le diélectrique. Une décharge disruptive se produit alors, de l’électrode vers la pièce à usiner, détériorant celle-ci très localement
(quelque μm²). Le diélectrique refroidit alors les particules détériorées, qui tombent dans le bac de la machine sous forme d’une boue (microparticules de matière et diélectrique).

Protofil

Voilà pour la partie technique. Pour l’aspect un peu plus humain, nous avons rencontré Donovan et Eloïse Beaufour, fondateurs de la société Protofil, spécialiste suisse de l’usinage
par électroérosion à fil, installés à la Vallée de Joux. C’est dans un garage du village du Sentier que tout commence fin 2016. Une envie tout d’abord, la volonté d’indépendance qui tenait le
couple au corps, puis le constat d’une demande croissante dans le secteur leur font passer le pas. Eloïse revend son salon esthétique et Donovan garde pendant un an son travail dans la société qui l’employait, dans laquelle il a mis en place un secteur d’électroérosion, le temps de lancer son affaire. Il travaille le soir pour son entreprise, elle s’occupe de toute la partie administrative. «Les boîtes dans lesquelles je travaillais avaient de la peine à trouver des
entreprises qui pouvaient prendre en charge des délais de plus en plus serrés, explique Donovan Beaufour, j’ai vu qu’il y avait un gros potentiel à La Vallée, c’est ce qui m’a décidé».
Rapidement, la société se développe incitant le couple à engager des collaborateurs. «Nous
avons commencé avec l’électroérosion, mais les clients ont demandé des produits finis, alors on a mis en place du fraisage, du polissage (entre autres) pour pouvoir tout gérer en interne». Aujourd’hui, ils sont sept à travailler chez Protofil.

Horlogerie mais pas que

La société déménage en mars 2019 dans un bâtiment à L’Orient après avoir reçu en 2018 la certification ISO 13485 pour pouvoir travailler dans le médical. Même si l’horlogerie représente 80% de l’activité, l’accent est mis sur le développement du médical «qui est très long, mais une fois que c’est validé, on est sûrs d’avoir la production sur une dizaine d’années, explique Eloïse Beaufour, on espère que d’ici deux ou trois ans, on sera à 50-50. On fait des appareils sur-mesure, autre que pour l’horlogerie.» Le couple confesse avoir peu de clients combiers mais travaille pour beaucoup de sous-traitants de la Chaux-de-Fonds, qui sous-traitent eux-mêmes pour des sociétés de La Vallée. La clientèle est à 90% suisse, le reste est international. «On vient chez nous pour toutes les pièces délicates (petites), la précision est notre spécialité, en dessous du micron. Dans le médical par-exemple, nous fabriquons des pièces implantables, dans les valves cardiaques ou encore pour la fibre optique des caméras utilisées dans les opérations. Nos machines d’électroérosion sont plus précises que les machines de contrôle! Les domaines d’application sont nombreux: en plus de l’horlogerie et du médical, on a l’aéronautique, l’automobile, la connectique, le nucléaire et même les rails de chemin de fer.» Protofil a cinq machines à électroérosion, dont une à huile: au lieu du bac d’eau pour refroidir la pièce, c’est de l’huile qui est utilisée, pratique pour les pièces en acier qu’on peut laisser baigner sans problème d’oxydation.

Et pour l’avenir ?

«On va développer le secteur de l’impression 3D, explique Donovan Beaufour, on a tout pour faire du découpage. Les machines à électroérosion peuvent évoluer mais c’est infime. On va allier plusieurs activités pour pouvoir faire des pièces de plus en plus complexes. On a le
projet de monter une structure en rachetant le bâtiment dans lequel nous sommes actuellement, les choses se concrétisant dans le médical, on reste optimistes pour le futur» conclut-il.